30 juin 2012

Deux interventions de Jean-Pierre Bultez dans des instances européennes


Voici deux interventions de Jean Pierre Bultez, Vice Président de Age Plateforme Europe et animateur de notre collectif interassociatif VASI. L'une auprès du Comité économique et social européen (5 juin) l'autre au Comité des Régions (19 juin), deux instances européennes qui ont voulu marquer leurs contributions à l’année 2012 par des opinions ou des débats qui leur soient propres.





Implication et participation des personnes  âgées dans la société - CESE le 5 juin 2012



Commençons par une présentation personnelle :
Je suis retraité depuis 5 ans, après 42 ans de travail dans trois organisations professionnelles (une dans le pétrole et ensuite dans deux ONG). Je suis bénévole dans une ONG d’accompagnement de personnes âgées isolées et démunies (les petits frères des Pauvres), notamment dans une action de relogement et d’amélioration de l’habitat. Je participe aux travaux du réseau AGE en France et au plan européen.
Au plan personnel, je suis marié et ai encore à la maison 2 enfants d’âge scolaire. Mon père a 91 ans, avec une mobilité réduite, mais il reste à son domicile. J’ai des enfants et petits enfants et dans quelques années, nous serons donc 5 générations vivantes.
Cette question de la participation des personnes âgées, bien que posée depuis plusieurs décennies, en lien probablement avec l’urbanisation de nos sociétés, interroge sur plusieurs plans : celui
- de l’individu (suis-je un acteur participatif de/dans la vie sociale ? sachant que dans les populations de plus de 60 ans , il y a plusieurs types de vieillissement et de nombreuses catégories de retraités),
- du collectif dans lequel il s’insère (quartier, ville, entreprise, associations de citoyens…)
- des politiques publiques locales ou nationales pour lesquelles les citoyens devraient avoir leur mot à dire.

1 Participer dans la société est un ACTE SOCIAL ACTIF et PASSIF :
Les effets de la participation sociale sont connus, et je les ressens pleinement :
- valorisation des personnes : fierté de s’exprimer, meilleure autonomie, confiance en soi, changement de regard pour soi même, compréhension de son environnement, transmissions,
conduisant pour les autorités locales publiques ou les décideurs à
- comprendre le rôle de chaque acteur et la force vive ainsi valorisée, tout autant qu’à éviter l’exclusion sociale de certains.
On peut donc comprendre que les Personnes Agées soient recherchées comme participantes, dans différentes instances de consultation et d’élaboration d’avis, cela satisfaisant à la fois les personnes invitées et les institutions qui les consultent. En France existent des Conseils d’Ainés, au plan municipal, départemental et national. Ce sont essentiellement des représentations d’organisations de retraités, mais commencent à apparaître un « recrutement » de personnes retraitées sur simple appel à candidature.
Si l’engagement et la participation des personnes a du SENS, c’est bien pour en voir les effets positifs, concrets, visibles, comme un élément du dialogue entre les âges, comme une pièce du DILALOGUE CIVIL et POLITIQUE.
Car au fond, l’implication des personnes âgées dans la société passe par un renouvellement de l’intérêt mutuel entre citoyens et responsables locaux à nouer de moments d’expression et peut-être de co-construction. Il s’agit de briser cette coupure du « eux » et « nous ».
Dans les sociétés vieillissantes de l’UE, ce courant novateur est à structurer, en s’appuyant sur les réseaux de citoyens, les associations d’entraide. Ainsi une société pour tous les âges retrouvera avec toutes les générations de nouvelles formes de dialogue et de solidarités.
Attention aux risques conduisant à ne prendre en compte que la parole de certains courants de retraités, organisés pour cela. La participation de TOUS les citoyens âgés n’est pas totalement acquise.

2 La participation des personnes âgées et leur implication ne passent-elles pas par leur accompagnement ?
Tout le monde s’accorde sur la tranche des seniors, actifs, mobiles, engagés, mettant leurs compétences au service de nobles causes. Mais au delà de 75 ans, les facteurs d’isolement, de repli sur soi, de moindre appétence à une vie collective, les questions de santé, se font jour. Et enfin, au delà des 85-90 ans, l’intérêt s’émousse pour un engagement social.
Il s’agit à la fois de « mobiliser », de « remobiliser » des personnes et leurs entourages familiaux, amicaux et de « sensibiliser » des « voisinages » à ces situations. Dans l’emploi par exemple, faut-il y rester, amis comment. Un accompagnement est nécessaire.
L’accompagnement par les citoyens est primordial d’autant que les familles s’éloignent, se dispersent. Un renouveau d’une société solidaire, entre les générations est à construire.
En accompagnant des personnes très âgées au bureau de vote, à la réunion de quartier, à la séance de noël et au repas, les citoyens de tous âges tissent des liens dont ils seront eux mêmes un jour bénéficiaires. Une personne a qui l’on parle, parle elle même à d’autres. Voilà le lien social à entretenir. Car c’est bien de PAROLES et d’EXPRESSION dont les êtres humains ont besoin, pour elles mêmes et pour les autres.
Les politiques publiques d’appui aux réseaux locaux peuvent y aider. Car sinon, les personnes vont s’isoler, restreindre leurs relations et se cantonner à des espaces de plus en plus réduits. Le rôle des TIC est à prendre en compte sérieusement.
C’est ce travail que nous menons dans l’association des petits frères des Pauvres, par la mobilisation de bénévoles qui régulièrement visitent et accompagnent les personnes isolées.

3 Devant quels enjeux sont nos sociétés pour faire vivre cette implication et participation des personnes âgées ?
Retenons que le 1° enjeu est de viser une implication de tous, quel que soit l’âge. Ne discriminons pas entre les âges. Le réseau AGE a développé des pédagogies à cet effet. Que ce soit à l’intention des pouvoirs locaux ou des associations de terrain qui n’ont pas forcément à l’œuvre de tels processus. Les processus participatifs méritent d’être soutenus.
Dans la stratégie de Lisbonne de 2000 à 2010, les Plans Nationaux d’Action pour l’Inclusion prévoyaient un chapitre sur la participation. Aujourd’hui, dans les nouveaux PNR et PSN (Programmes Nationaux de Réforme et Programme Social National), rien n’est demandé aux Etats en dehors du suivi des indicateurs mis en place sur la décennie. C’est dommage.

Le 2° enjeu est de valoriser ces expressions et engagements des citoyens âgés, comme une ressource à mobiliser, que ce soit dans des « conseils d’ainés », des comités locaux de personnes âgées, les medias, au profit du « bien commun ». Il ne s’agit pas de créer des comités « alibis » mais de tisser autrement l’élaboration des politiques publiques. En France, la « semaine bleue » est un bon exemple de mobilisation et de valorisation.
Le 3° enjeu est de créer des ALLIANCES entre tous les types d’organisations et d’acteurs (des entreprises au pouvoirs politiques, des écoles aux centres de loisirs, etc, …) pour que cette ressource participative apparaisse contributive d’un mode de fonctionnement de notre société. C’est le rôle des pouvoirs locaux (dans une vision dynamique de la démocratie participative) et des organisations d’ainés que de s’y consacrer. En matière d’emploi et de cumul emploi/retraite, la réflexion avec des entreprises et des associations de retraités est indispensable.
Des espaces de DIALOGUE apparaissent plus indispensables que jamais, réunissant tous les âges, et par la même, des personnes âgées, voire très âgées.

Cette Année Européenne 2012 nous aide à renforcer ces idées et à mobiliser les énergies pour aller de l’avant.


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L’impact de la « crise » sur les personnes âgées
Comité des Régions – 19 juin 2012

Quelques mots de présentation : j’habite à Lille (France), engagé dans une association, les petits frères des Pauvres qui a été crée en 1946, j’ai 7 enfants et mon père a 91 ans.
Les constats sont établis : une vie plus longue dans la société, mais avec de dépendances qui apparaissent, des ressources quasi inchangées pour els retraités (avec une érosion malgré tout du fait des indexations), la présence fréquence td e 4 voire 5 générations, conduisant les générations pivot à prendre en charge leurs parents et aussi leurs enfants et petits enfants, les systèmes de retraite qui allongent les périodes de travail pour vivre une durée de retraite constante mais conduisent les citoyens à organiser eux mêmes leurs ressources (avec un 3° pilier d’épargne individuelle).
Les enjeux sont connus pour garder une vie décente, mais déjà constatons que les arbitrages sont quotidiens pour les personnes à faibles revenus :
- choix de consommateurs (alimentation médiocre, chauffage réduit, éclairage réduit également, endettement grandissant, multiplié par deux depuis 10 ans chez les personnes âgées)
- choix de comportements pour les soins (le reste à charge devient trop grand, car les mutuelles sont top chères), les déplacements et la mobilité en baisse sauf si vous êtes exonérés d’impôt (auquel cas les communes vous permettent des voyages quai gratuits), l’achat de billets de train aux moments les plus avantageux.
- choix familiaux, comme ne voir ses enfants que 2 fois par an, quand la distance oblige à calculer le moindre coût.
Tout cela dans un vieillissement où l’on reste seul (seule), menacé par l’isolement ou la solitude.
Nous sommes donc à un moment où l’on vit à la fois des enjeux de vieillissement (avec des représentations souvent négatives des personnes âgées) et un contexte de crise économique et budgétaire que nos sociétés n’ont que rarement connue.
Il nous faut donc distinguer ce qui relève :
- d’une aggravation de certains paramètres du vieillissement liés aux politiques publiques d’austérité ou de réduction budgétaire, c’est donc la logique des DROITS HUMAINS Fondamentaux.
- d’une urgence à revoir notre modèle de fonctionnement social pour redonner à tous els acteurs u rôle et des perspectives nouvelles, c’est la logique de l’ETHIQUE DU VIVRE ENSEMBLE.

1. L'aggravation des phénomènes à l'oeuvre, comme:

- les inégalités de ressources, que ce soit via les systèmes de retraite, les minima sociaux. Même si l’on prend sa retraite tardivement, les montants de la retraite n’augmentent guère.
- le phénomène d’appauvrissement notamment des femmes âgées.
Les solutions sont connues malgré tout :
- sur le long terme : les politiques de l’emploi non discriminantes (hommes femmes), la qualité de l’emploi durable, l’évolution des rôles sociaux entre hommes et femmes pour un meilleur partage des tâches comme des opportunités
- sur le moyen terme : revoir dans les systèmes de retraite les formes et modes de compensation des rôles tenus par les femmes (maternité/nombre de trimestres par enfant, suivi scolaires, …), modifier l’indexation des pensions pour le 1° et 2° pilier, afin de ne pas renvoyer le citoyen vers des formes d’épargne individuelle du 3°pilier, établir un lien entre les montants de retraite minimum et le panier de biens essentiels et le revenu minimum adéquat aux âges de la vie

2. Va-t-on vers une "exclusion" de certains publics âgés et, par là, vers une moindre cohésion sociale?

OUI, sauf à réviser sérieusement :
- l’accès à des services publics (santé et soins de longue durée, logements adaptés, transports) : les restes à charge devraient être réduits, l’accès facilité à des équipements indispensables (lunettes par exemple), la possibilité d’accéder à un logement social, les dispositifs de veille comme celui de la période d’éventuelle canicule, les transports adaptés pour des personnes à mobilité réduite.
- la solidarité entre les générations n’est pas soutenue :
- les aidants familiaux sont vite épuisés et des politiques de soutien (financier, psychologique, de répit) deviennent nécessaires,
- les seniors qui soutiennent les jeunes dans leur accès à l’emploi ou dans l’entreprise (le contrat « générations » par exemple)
- la participation sociale (activités culturelles, loisirs, clubs, relations intergénérationnelles)
- la solidarité de proximité, qui s’ajoutant aux soins professionnels, permet à des voisins, des entourages, de restaurer le lien social, avec d’éventuels soutiens par les nouvelles technologies. Si le maintien à domicile est bien une  politique publique de grande envergure, il convient de la relier à toutes les parties prenantes, car c’est bien de qualité de la vie qu’il s’agit.

Pour conclure
Notre vieillissement est à la fois individuel et collectif.
Le travail de prévention à engager nous conduit à :
- aider les citoyens comme les décideurs politiques à prendre en compte la parole des personnes âgées (qui sont bien un potentiel pour la société),
- garder actifs les systèmes de solidarité (et non des systèmes du chacun pour soi),
- à « penser » son vieillissement comme un acte vital pour le bien de la société.



Voilà un beau programme de mobilisation pour cette année 2012, une occasion de valoriser ce mot de «care».